À la voile...

À la voile...
Sur notre CS-22 au réservoir Taureau

jeudi 19 août 2010

Arrivés!!!

18 août 2010

Nous sommes finalement arrivés.

Nous faisions notre entrée à Berthierville à 17:45 heure précisément. Après presque 7 heures de moteur pour traverser le lac St-Pierre à partir de Trois-Rivières, il n'est pas trop tôt.

Je désire laisser le voilier au mouillage probablement jusqu'au mois d'octobre. Je suis prêt à accueillir qui que ce soit, avec ou sans expérience, seul ou en petit groupes pour des sorties à voile, avec ou sans repas. Un après-midi, une journée complète ou même plus, un jour de semaine ou la fin de semaine. Vous n'avez qu'à me contacter à robert.larocque@videotron.ca . Je meurre d,envie de partager ma passion avec mes amis...

J'ajouterai un nouveau message sous peu. Pour l'instant, j'ai hâté mon arrivée pour aller chercher G eneviève à l'aéroport aujourd'hui. Elle revient d'un séjour de 3 mois, sac au dos, en Europe et au Maroc. J'ai hâte de la serrer dans mes bras...

Robert

mardi 17 août 2010

Départ vers Trois-Rivières

17 août 2010

La météo n'ayant pas collaboré hier, j'ai été forcé de demeurer une journée à l'abri à Portneuf. Mise à jour de mes notes personnelles, visionnement de deux films, etc. Une petite journée bien relaxe.

Départ prévu pour 13:15 heure aujourd'hui, directio Trois-Rivières. J'aurais bien aimé appareiller plus tôt mais je dois absolument respecter les marées dans cette portion du fleuve. Heure prévue d'arrivée à Trois-Rivières, 21:00 heure. J'irai mouiller près de la plage St-Quentin.

Ciao,

Robert

lundi 16 août 2010

Moins 2 ou moins 3 pieds sous la quille...



15 août 2010


Je suis donc arrivé au Club Nautique de l’Île Bacchus, à St-Laurent Île d’Orléans, un peu après 22 :30 heure. 10 1/2 de longue navigation à moteur. Arrivé de noirceur, deux gaillards attrapent mes amarres. Un solitaire au port n’est jamais vraiment solitaire, à moins qu’il ne le souhaite. Dans le bassin peu avant d’accoster, par pur réflexe, je regarde le profondimètre et note mentalement le chiffre que j’y vois.

Pour revenir à ces des messieurs m’ayant accueilli sur le ponton, figurez-vous donc qu’ils avaient un petit verre dans le nez… Il fait beau, c’est samedi soir et c’est la fête sur les pontons. Faut pas les blâmer, ils devaient absolument boire quelque chose par cette chaleur… D’un sujet à l’autre, ils se retrouvent à l’intérieur du voilier pour une visite guidée. Nous discutons pendant plus d’une heure. Messieurs, je suis parti de Cap-à-l’Aigle à midi aujourd’hui. Je suis crevé, est-ce que je peux aller me coucher??? Vite au lit, il est presque minuit.

Ça fait pas 2 minutes que je me suis installé pour dormir que, je me rappelle soudain le chiffre de la profondeur juste avant l’accostage. 23 pieds que l’afficheur digital disait. Si j’y soustrais le marnage de la prochaine marée, ça me donne la profondeur restant dans le bassin à mer basse… Il faut qu’il reste au minimum 5’10’’, sinon ma quille accote au fond… Au fait c’est combien le marnage de la prochaine marée? Euh! Je sais pas! Mais, je n’ai pas envie de me lever qu’il me dit. Ouais mais, si ta quille se dépose sur un fond dur et que la marée continue de descendre… En plus, tu as la profondeur dans le bassin avant de t’amarrer mais quelle est celle au quai, sous ton voilier présentement? Euh! Deuxième je sais pas! Et Chantal qui ne serait pas contente si tu abîmais SON bateau. L’argument-matraque. Celui contre lequel toute parade est purement vaine. Bon, bon, je me lève, le jusant a débuté il y a environ, disons, environ 2 heures et le profondimètre indique 17.3 pieds. Sur une marée d’au plus 20 pieds, il devrait y en avoir le quart de descendu, c’est-à-dire 5 pieds. Il resterais donc encore 15 pieds à descendre ce qui fait… un modique 2.3 pieds. 3 1/2 de moins que mon tirant d’eau…Ai-je été trop généreux en estimant le marnage de 20 pieds? Je l’espère… Mais je sais aussi que nous sommes en périodes de grandes marées et l’amplitude de celle cette nuit est de 16’10’’, Si on y soustrait 1/4*16’10’’ = 12’7’ encore à descendre. Tout le monde me suit??? Pas grave, l’important c’est que ça veut dire qu’il resterait 4’5’’ à mer basse. C’est moins que mon tirant d’eau ça! Si c’est un fond de vase molle comme à peu près partout le long du fleuve, ce n’est pas grave mais, si c’est un fond de roches… À l’heure qu’il est, personne connaissant l’endroit n’est disponible. Je retourne me coucher en me disant que s’il se passe quelque chose d’anormal, mon sens marin me réveillera.

C’est ce qu’il fit à 5 :16 très exactement. Je ne sais pas quoi mais quelque chose ne tourne pas rond. J’enfile mon short, je sors sur les quais. À part qu’il est tout à fait immobile, mon voilier semble correct. Les amarres ne sont pas tendues à vouloir rompre, le voilier est toujours dans son assiette. Mais s’il ne bouge pas, est-ce que ça signifie qu’il est assis sur sa quille? Le profondimètre indique 5 pieds. Euh…la quille est au fond… Bon, il reste encore environ une demi-heure de jusant, ce qui veut dire peut-être 6 pouces à descendre. Comme pour confirmer ce constat, un craquement provenant des entrailles de Lady Marianne se fait entendre. Rien de sinistre mais, juste pour laisser savoir que ça force un peu. Incapable de me recoucher, j’arpente le ponton, vérifie l’assiette, la tension des amarres. À part de légers craquements de temps en temps, tout laisserait croire que la situation est normale, que je m’inquiète inutilement. Le minimum auquel le profondimètre est descendu est 4’5’’. La quille était indubitablement envasée. Et lorsque la marée remontera un léger bruit de succion se fera entendre, accompagné de quelques bulles apparues à la surface de l’eau brunâtre, lorsque la quille se libérera.

À l’heure prévue de l’appareillage, 7 :00, je largues les amarres et embraye le moteur tout doucement pour ne pas réveiller personne. Avant d’atteindre le brise-lame, un fort bruit de cloche digitale se fait entendre et on annonce dans les haut-parleurs : « Le Lady Marianne, revenez au ponton SVP. Lady Marianne, Lady Marianne. » Je fais signe que j’ai entendu mais, m’étant déjà engagé dans le chenal de sortie, je dois aller me retourner à l’extérieur du bassin et revenir sur mes pas. J’effectue la manœuvre et reviens m’accoster. J’ai tenté de fuir comme un voleur mais je me suis fait prendre. Sincèrement, je ne croyais pas que quelqu’un serait à la capitainerie à cette heure. Le gentil petit monsieur me dit qu’il est à son poste à partir de 6 :30 heure tous les matins et que ça me coûte la modique somme de $58 pour la nuit, simplement pour avoir attaché 3 amarres à des taquets pour environ 8 heures. Je tente d’expliquer mon arrivée tardive, mon départ hâtif pour rejoindre Portneuf tout en étant totalement dépendant de l’horaire des marées. On parle bateau, il passe ma carte Visa dans la machine et je me sens soudainement plus léger de $58. Deuxième appareillage à 7 :20 heure.





Derrière la pointe de Lévis à 8 :15 heure, la majestueuse Québec, trônant sur son Cap Diamant, m’est apparue. Jamais je ne me lasserai de ce point de vue unique. Ah! Québec! Québec la belle au charme irrésistible. On se reverra une prochaine fois car aujourd’hui, je dois passer mon tour. J’ai plutôt mis le cap sur Portneuf. Non pas que je la préfère à toi, loin de moi ce sentiment. Mais comprends-moi, je dois retrouver ma douce, elle m’attend à quelques trois jours de toi. Nous reviendrons ensemble pendre de longues marches sur tes trottoirs, sentir les odeurs de ton marché et admirer ta simple beauté. Vous ai-je déjà dit que j’aime Québec???

Finalement, je rallierai Portneuf à 12 :30 heures après une petite navigation sans histoires à moteur. Plus que 2 journées de navigation pour rejoindre Berhierville… Toutefois, je crains de devoir passer 2 nuits à Portneuf car la météo n’annonce rien de bon pour un marin solitaire. Orages accompagnés de rafales à 50 noeuds, veille de grain, non vraiment, rien de bon…

Robert

La journée des retours

14 août 2010

Me voici maintenant réellement de retour de voyage. Je le sens, je le ressens. Les odeurs changent. Fini l’air frais et salin embaumant le goémon. Ça se voit. Les mammifères marins ont tous disparus, eux qui nous ont accompagnés tout au long de ce voyage. La couleur de l’eau change. La texture même de l’eau change graduellement. Ça s’entend aussi. Les sons ne sont plus les mêmes. Plus de cris discordants de goélands représentant si éloquemment la mer. Allez messieurs, suivez-moi en amont. Vous ne manquerez de rien, je vous le promets. Il y aura pleins de McDo pour vous...

Le Lady Marianne fait son retour en eau douce. Partis de Cap-à-l’Aigle à midi tapant, environ une heure avant la mer basse, nous devrons lutter contre le courant du jusant jusqu’au Cap-aux-Oies avant que le flot nous ramasse et nous entraîne finalement vers l’amont. Afin de minimiser notre lutte contre le jusant atteignant plus de 4 nœuds, je longe la côte à quelques centaines de mètres dans un peu plus de 50 mètres d’eau. Charlevoix de si près est spectaculaire.

Environ une heure après l’appareillage, le vent aussi est de retour. Éole a finalement terminé sa longue sieste. Et il est en grande forme. Bien reposé, il teste ses poumons. D’abord, 10 petits nœuds du sud-ouest. Dans le nez, bien entendu. 15 nœuds, toujours de la même direction. On appuie sur le diaphragme et on pousse un peu plus fort : 16, 18, 20, 22 nœuds bien soutenus, jusqu’au-delà de 25 dans les rafales. Je me demande de quoi la mer aura l’air près de Petite-Rivière St-François. Un bon vent du suroît contre un courant de flot pouvant atteindre 5 à 6 nœuds, il y a de quoi faire exploser la marmite. Par chance que ce vent ne fait que débuter…

Avec le vent, on assiste évidemment au retour des vagues. Elles qui étaient disparues de notre paysage marin depuis plusieurs jours déjà. Rien de bien méchant cependant malgré tout. Des moutons se forment bientôt et l’étrave cogne de temps en temps dans la vague courte et hachée mais rien pour écrire à sa mère. Les plus grosses demeurent encore celles générées par le passage des cargos au large.

Et que vois-je au loin vers l’ouest. Disparition du ciel bleu foncé, il se teinte légèrement mais inexorablement d’un léger voile. Tout au cours de la journée, ce dernier s’épaissira et fera place à un ciel totalement couvert peu après le coucher du soleil. Retour des nuages qui avaient déserté leur terrain de jeu depuis plusieurs jours. Ça sent la pluie. Pas immédiatement, mais demain assurément. L’approche d’une dépression après plusieurs jours sous l’influence d’un anticyclone, un classique bien connu.

Avec l’approche de cette dépression, je sens l’influence des vents chauds. C’est le grand retour de la chaleur. Malgré la force relative du vent, c’est aussi le retour du port des shorts et du T-shirt en navigation pour toute la durée de la journée. Même en soirée, je garderai mes shorts. Je n’aurai qu’à passer un chandail à manches longues pour être tout à fait confortable. Y pensez-vous? Ça fait plus d’un mois que je navigue avec bas, combinaisons, pantalons longs, chandails, polar et quelquefois même, avec tuque et gants. Le contraste est hallucinant.

Une fois arrivés à l’Isle-aux-Coudres, nous prenons la décision de prendre la Traverse du Milieu afin de contourner le clapot de la Petite-Rivière St-François. Nous passerons donc au sud de l’île. Cela me laisse aussi l’alternative non négligeable de pouvoir rentrer à St-Jean-Port-Joli si la mer se gâte. Le courant de flot forcit. C’est le retour des vitesses sur le fond au-delà des 9 noeuds. Une fois la grande batture de l’Isle-aux-Coudres dépassée, je me dirige à nouveau vers le Chenal du Nord afin de profiter du courant au maximum. La mer ne s’est pas détériorée, je fonce donc littéralement sur l’Île d’Orléans à plus de 9 nœuds.

Une fois l’étroit Chenal du Nord atteint, c’est le retour d’un sport que je n’ai pas pratiqué depuis belle lurette; le slalom entre les bouées vertes et rouges. Un slalom au ralenti certes, mais dans ces environs, si vous manquez une porte, c’est l’échouage assuré. Pour ajouter un peu de piquant, comme c’est le chenal qu’emprunte toute la navigation commerciale sur le fleuve, la veille doit être constante, sur le devant comme sur l’arrière.

Déjà, depuis quelques heures, c’est aussi le retour de la navigation avec visibilité complète des deux rives du fleuve. La rive nord avec les majestueux paysages sauvages de Charlevoix, les caps recouverts de forêts vierges plongeant leurs pieds dans l’eau noire et froide. Et la rive sud, légèrement ondulée, occupée principalement par les champs de culture et pâturages que la présence humaine y a façonnés.

Je dois recommencer à tenir compte de la table des marées et l’atlas des courants. Ignorez ces deux ouvrages et il est plus que probable que vous devrez regagner Montréal en autobus plutôt qu’en voilier!!!

Sur la route du retour, les marinas se font plus chères. Moins rustiques, mieux aménagées et décorées mais offrant les mêmes services pour peu que vous vous contentiez de la base. Elles sont souvent surpeuplées avec un espace restreint pour manœuvrer. De quoi me faciliter la vie en solitaire. J’espère que l’expérience pourra compenser…

Avec le coucher du soleil derrière le Cap Tourmente, c’est le retour à la navigation de nuit. Qui ne va pas sans peine ou plutôt sans peur, croyez-moi… Dans le chenal des Grands Voiliers, entre l’île d’Orléans et la rive sud, j’y ai fait la rencontre d’un titan d’acier aperçu à la dernière seconde… J’étais bien éveillé à assurer la vigie tout en m’assurant d’être bien alignés sur les deux feux blancs au bout de le pointe très loin devant nous. Ça fait environ une demi-heure que je les vois. Tout à coup, il me semble qu’il monte vers le haut et une énorme masse sombre surgit sur le fond du ciel éclairé par la ville de Québec au loin. Sans perdre une seconde, j’appuie sur le bouton STANDBY du pilote automatique, je l’engage au neutre et je donne un coup de barre sur tribord. Il n’y avait pas de risque immédiat d’abordage mais la vague du monstre m’aurait certainement malmené. Dorénavant, je resterai sagement en dehors du chenal commercial lorsque ce sera possible. La lutte est trop inégale dans ma coquille de fibre de verre.

Avec le retour de la chaleur, je dois me déshabiller complètement pour dormir. Fini le long pour me coucher. Ne vous excitez pas mesdames, j’ai déjà une promise…

Dernièrement, je voulais vous dire que j’ai finalement semé l’espion! Je l’ai vu pour la dernière fois aux environs de Cap-aux-Oies, quelque peu en aval de l’Isle-aux-Coudres. Il a hésité longuement avant de finalement refuser de pénétrer en eau douce. Je me demande bien comment il fera parvenir son rapport. Tu les prends où tes vacances Jacques???

Robert

vendredi 13 août 2010

Une journée au royaume des baleines




13 août 2010


Wow! Tout une journée! Je suis encore sous le choc...

Je me suis jeté dans la marmite en quittant Grandes-Bergeronnes à 8:15 heure ce matin. Et cela s'est poursuivi tout au long de la journée. Laissez-moi vous raconter.

En préparant ma route hier soir, je réalise que les marées ne favoriseront pas ma progression vers Cap-à-l'Aigle, destination prévue pour aujourd'hui. Premièrement, à cause du chenal trop peu profond aux Grandes-Bergeronnes, je ne peux quitter à marée complètement basse, ce qui favoriserait ma route puisque la marée m'emporterait vers l'amont. Je dois quitter au plus tard deux heures avant la basse mer ou au minimum, deux heures après. Si je quitte deux heures après, je devrai partir vers 13:00 heure, ce qui me mettrais à Cap-à-l'Aigle beaucoup trop tard à mon goût. Toutefois, si je quitte 2 heures avant, soit vers 9:00 heure, je devrai me battre longtemps contre un très fort courant de marée, pouvant atteindre jusqu'à 6 noeuds, contournant la batture aux Alouettes, distante de seulement une dizaine de milles. J'opte néanmoins pour la deuxième option, en me disant que je prendrai simplement mon temps en observant les baleines si je suis un peu chanceux.

Donc, après une assez mauvaise nuit à cause d'une brise de terre nocturne faisant valser les voiliers amarrés aux pontons et claquer les drisses mal assujetties, je me lève vers 7:30 et démarre l'engin à 8:15 heure. Je suis 45 minutes à l'avance sur l'heure prévue mais tant mieux, ça ne fait qu'un peu plus d'eau dans le chenal conduisant vers le large. Les énormes rochers aperçus de chaque côté de ce chenal à marée basse hier soir n'ont rien de bien rassurant. J'ai autant m'y être engagé tôt que tard.



Dès la dernière bouée verte du chenal contournée, j'entends plusieurs souffles de baleines. La visibilté étant exceptionnelle en ce beau matin un peu frais, les légers nuages de condensation ne sont pas difficile à localiser. Par chance, je me dirige justement vers un. Il s'agit de deux petits rorquals. Vite, l'appareil photo que j'immortalise ce moment. J'enclenche le moteur de l'appareil et je prends plusieurs rafales quand tout à coup, je réalise que l'une d'elles sort sa queue et me salue. C'est ma première queue de baleine à vie. Et mon Canon n'a rien manqué du spectacle.





Je n'en ai pas encore terminé avec ces deux compères qu'un souffle plus puissant, sur l'autre côté du voilier, me tire de mon ébahissement. Il s'agit cette fois d'une baleine à bosse beaucoup plus grosse et qui s'approchera suffisament du bateau pour emplir le champ de ma caméra. Je l'ai même entendue à deux reprises, de sa voix d'outre-tombe, me souhaiter bon matin.





Je ne suis plus seul sur l'eau maintenant. Plusieurs croisiéristes, à bord de leur zodiacs, s'amènent à vive allure. J'en vois probablement une dizaine qui se dispersent le long du littoral entre Grandes-Bergeronnes et Tadoussac. Avec une vingtaine de personnes par embarcation, deux à trois heures par groupe, c'est une vraie petite mine d'or, une machine à imprimer de l'argent.





Je continue mon chemin vers l'amer le plus remarquable du majestueux Saguenay, la toupie. Il s'agit d'un phare, munie d'une corne de brume, bien assis sur le haut-fond Prince situé juste à l'embouchure de la grande rivière. Mais il est encore tôt. Même si j'ai mis le moteur au neutre tandis que j'observais les gros mammifères marins, la renverse du courant n'aura lieu que dans 3 heures. Qu'à cela ne tienne! Même si ma progression sera évidemment retardée, le chemin parcouru avant cette renverse sera au moins derrière moi.


Oh la la que mon voilier a peiné! J'ai dû augmenter les révolutions du moteur pour ne pas être jeté sur la batture. Pendant plus d'une heure, ma vitesse sur le fond jouait autour de 1 noeud et parfois moins. Les remous causés par la marée se retirant et se mélangeant au puissant courant du Saguenay rendait mon autopilote totalement dingue. Pendant près d'une heure, il a fallu que je prenne la barre afin de me maintenir suffisamment loin de la bouée rouge marquant la pointe sud-ouest de la batture aux Alouettes. Et graduellement, pendant plus de deux heures, le jusant a diminué, et ma propre vitesse avec lui a augmenté, jusqu'à ce que finalementà le flot me rattrape.


C'est durant cette période de presqu'immobilité que mes premiers bélougas sont apparus. Par petits groupes, j'en ai croisés des dizaines tout au cours de la journée. Les derniers sont venus me saluer moins d'un mille avant de rentrer au port de Cap-à-l'Aigle vers 17:30 heure. Il y en a même un qui, à un certain moment, a quitté son groupe pour s'approcher tout près du voilier, a frôlé le safran et pour s'éloigner ensuite. J'ai bien tenté de le photographier sous moins d'un mètre d'eau verte mais le résultat était lamentable.






J'ai aussi vu quelques groupes de marsouins mais ils étaient nettement moins nombreux que sur la rive sud un peu plus en aval. Encore une fois, j'ai aussi reconnu l'espion que Jacques a envoyé. Il m'a même suivi jusqu'à l'entrée du port, à quelques pieds du ponton de service. Je l'ai encore aperçu ce soir, en revenant de ma douche... Peine perdue mon coco, lorsque j'entrerai en eau douce d'ici peu, tu devras m'abandonner...

Ainsi donc se termine ma journée du 13 août 2010, au cours de laquelle j'aurai entendu claquer mon moteur 3,600,000 fois!


Robert


jeudi 12 août 2010

Prose libre

Voici un deuxième exercice de prose, qui je l’espère, sera mieux accueilli que son prédécesseur. Ne tentez pas de lire entre les lignes ce que je ressens, mais lisez-y plutôt ce que vous attendez de votre propre vie…



Mon voilier flotte au-dessus d’un nuage aqueux, sur lequel aucune ride n’apparaît.

L’horizon imperceptible se profile devant l’étrave dans un très léger bruissement.

Le mariage parfait de toute cette eau, de tout cet air semble conduire directement dans une autre dimension.

Dimension vers laquelle je me dirige inconditionnellement avec la fougue et la ferveur d’un jeune débutant.

J’atteindrai cette nouvelle dimension afin d’y visiter un royaume caché minuscule.

Un royaume où les oiseaux chantent, où les fleurs rayonnent, où la nature festoit.

Un royaume où notre chaleureuse demeure nous accueillera toi et moi.

Ce royaume que Tom Bombadil entretient existe vraiment.

Il faut juste fermer les yeux quelques instants, y croire fermement, pour y pénétrer inexorablement.




Robert

Et Grandes-Bergeronnes maintenant...




12 août 2010

Les énormes billots flottant et les champs de fucus dérivant avec les courants de marée, les marsouins, les petits rorquals, les cormorans, les petits pingouins ainsi que les insipides goélands ont été mes compagnons au cours des deux derniers jours. L’absence totale de vent lors de cette deuxième étape m’a contraint à faire route exclusivement au moteur. Ceci est cependant préférable à des vents de trente nœuds dans le nez avec un brouillard humide et impénétrable. Le temps est relativement frais mais la visibilité exceptionnelle des derniers jours me donne un tout autre point de vue de cette Côte-Nord souvent visitée par la route. Une beauté sauvage à couper le souffle.

Me voici donc arrivé aux Grandes-Bergeronnes, paradis incontesté, avec Tadoussac sa voisine, des croisières aux baleines. Je ne devrais y passer qu’une seule nuit car demain, je fais route vers Cap-à-l’Aigle. Malgré le fait que mon avance doive se faire à moteur, il me faut en profiter au maximum pendant que Dame Nature reprend ses forces, elle qui a soufflé fort dernièrement.


Robert

En route vers Havre Colombier




11 août 2010

Éveillé à 4 :15 am et incapable de me rendormir, je me lève 15 minutes plus tard. Je prépare mon premier appareillage en solitaire. La routine normalement observée par Chantal et moi doit être effectuée par moi seul aujourd’hui; fermeture de tous les passe-coque, arrimage de tout le matériel à l’intérieur du bateau, ramassage du pont, lovage des amarres, entrée des défenses à bord, etc. Je prépare aussi un court mot que je dépose à la capitainerie avec la clé des douches afin qu’on me poste la facture que je réglerai à mon retour à la maison, car, bien évidemment, personne n’est debout à une heure aussi matinale.

C’est à 5 :00 am que je largue finalement la dernière amarre me retenant à mon ponton occupée pendant les 5 derniers jours. La mer reprend notre voilier avec un léger vent du nord. La surface à peine froissée du fleuve est invitante, accueillante même. Dès que je pointe l’étrave vers le sud en contournant la péninsule de Manicouagan, je hisse toute la toile mais garde tout de même le moteur à 2000 rpm pendant encore une bonne demi-heure, juste pour m’assurer de complètement dégager cette énorme batture aux Outardes.



Même si en ce moment je ne puis pleinement l’apprécier, j’assiste à un magnifique lever de soleil à travers les seuls nuages présents à l’est. L’ouest est complètement dégagé et le ciel est immaculé. Une fois arrivé devant Pointe-Lebel, j’étouffe le moteur et c’est sous voiles seules que je mets le cap au sud-ouest. Cependant, le vent diminue rapidement et c’est à 2 noeuds seulement que je progresse sur le fond une demi-heure plus tard. Soit, je ferai de la route à voile seulement tant et aussi longtemps que j’estimerai pouvoir rallier Havre Colombier avant la soirée. La distance estimée pour cette randonnée est de 45 milles. J’ai souvent entendu parler ou lu au sujet de la tranquillité et de la grande beauté de ce mouillage peu connu. Et sur les pontons hier soir, deux habitués de la place ont effectivement confirmé mes lectures et encensé l’endroit.

Avant mon départ hier, je suis retourné faire un pique-nique à l’anse St-Pancrace. Cette fois, j’y ai emmené ma cousine Lili et son conjoint Steeven. Malheureusement, le vent n’était pas au rendez-vous et après plus d’une heure suivant notre départ de la marina, il nous restait encore plus de la moitié de la route à parcourir. En plus, le vent tournoyait aux quatre points cardinaux. Initiation difficile pour Steeven qui tenait la barre… Il a donc fallu démarrer le moteur si on voulait souper sur les pontons situés au fond de l’anse. Après souper, nous avons tiré quelques coups de ligne mais malheureusement cette fois, les poissons ont boudé nos leurres. C’est avec surprise que j’ai appris que mes invités n’avaient visité l’endroit. Pourtant, Lili est native de Baie-Comeau et Steeven y réside depuis plus de 30 ans. Ils étaient ravis de découvrir ce site enchanteur. Nous avons passé une très belle journée ensemble. Merci à vous deux du fond du cœur.




C’est par un vent virtuellement inexistant, une mer d’huile et une mirobolante vitesse de 0.3 nœud sur le fond, que je décide de rentrer les voiles à 8 :45 am. À cette vitesse, je n’atteindrai pas Havre Colombier avant une semaine! Résigné, je démarre le moteur et c’est parti pour les toc-e-toc-e-toc-e-toc… Et ce, pour le restant de la journée, j’en ai bien peur. Alors on ouvre les écoutilles et on profitera au moins de la journée ensoleillée pour bien faire aérer l’intérieur du voilier.

Une fois Havre Colombier atteint, je mouille l’ancre et je saute dans l’annexe pour rejoindre la plage à la rame. Collecte de roches et de coquillages, prise de photographies, mon exploration durera plus de deux heures. Je reviens au voilier pour souper et planifier ma route du lendemain. Je me retrouve dans les bras de Morphée relativement tôt car la nuit précédente fût de courte durée.




Robert



PS Je tiens à m’excuser sincèrement si j’ai inutilement inquiété mes amis et mes proches suite à la publication de mon message du 7 août dernier. Comme mentionné dans la mise en garde, mon but était tout autre. Je tentais simplement d’exprimer en mots toute l’étendue de mon désarroi et mettre à jour la face cachée de ce voyage. C’était un exercice de prose devant faire office de soupape pour soulager la trop grande peine qui m’habitait. J’ai longuement hésité avant de l’afficher et j’ai peut-être erré en dévoilant mes problèmes personnels sur la place publique. Je l’ai donc retiré.

mercredi 11 août 2010

Appareillage après 5 jours d'escale à Baie-Comeau

C'est ce matin le grand départ en solitaire vers Montréal.

Pour l'instant, il y a un vent du nord devant m'accompagner jusqu'à vers la fin de l'avant-midi selon les prévisions. J'appareille très tôt pour en profiter au maximum. Ensuite, la progression se fera probablement à moteur pour les quelques prochains jours.

Aujourd'hui, je devrais me rendre jusqu'à Havre Colombier. Je ne pourrai certainement pas y avoir un accès Internet. Cela ne sera probablement possible qu'à mon escale suivante aux Grandes-Bergeronnes.

Ciao,

Robert

mardi 10 août 2010

dimanche 8 août 2010

Pique-nique à l'Anse St-Pancrace

7 août 2010

En cette froide journée, j’ai invité mon cousin Léon et sa petite famille à un pique-nique à l’Anse St-Pancrace, distante de 6 milles. Depuis le temps que j’entends parler de ce mouillage, je meure d’envie d’aller voir pour moi-même. Seule sa plus jeune fille de 17 mois, Mélissa, ne sera pas du voyage car elle perce des molaires depuis quelques jours. Seront donc du voyage à part mon cousin, sa conjointe Mylène et leur fille aînée Emmanuelle. Cette dernière est très excitée par l’opportunité de faire du voilier, elle a même été incapable de faire sa sieste en début d’après-midi. Ce sera la première sortie à voile pour tous.

Il fait très froid aujourd’hui. Ce matin au lever, il devait faire environ 8 degrés. Conjugué au vent d’ouest de 15 à 20 nœuds et au haut taux d’humidité relative, les combinaisons et bas de laine sont de rigueur. J’ai donc conseillé à la famille de Léon de s’habiller très chaudement car il ne fera pas chaud sur l’eau.

Avec l’aide de d’autres plaisanciers, pas tout à fait désintéressés car leur propre voilier est voisin de ponton, nous larguons les amarres à marée presque basse vers 16 :00 heure. Tout se déroule parfaitement malgré mon équipage sans expérience. Tous portent leur gilet de sauvetage et ils ont attentivement écouté les consignes du capitaine. Aucun risque de mutinerie pour l’instant. Nous sortons de la marina, j’active le système de pilotage automatique et je m’affaire à rentrer les défenses, récupérer et lover les amarres. Ensuite, je gagne un peu plus le large avant de sortir le seul génois. Avec ce vent apparent venant sur l’arrière de plus de 20 nœuds, ce sera suffisant comme première expérience pour mon équipage. Protégés par la Pointe-Lebel, la vague dans cette section de la baie n’a pas de se former. Heureusement car sinon, nous aurions les vraies conditions du large avec une mer de près de 2 mètres. Mon équipage est ravi lorsque j’éteins le moteur et que nous atteignons des pointes au-delà de 7 nœuds. Il n’est pas long que le léger roulis, associé au bruit des vagues glissant sous la coque, fasse tomber de sommeil la petite Emmanuelle. « Non, je ne dors pas », qu’elle nous dit les yeux encore mi-clos, son petit corps agité de légers soubresauts.

Routine inverse pour le capitaine à notre arrivée moins d’une heure plus tard à la dite baie; démarrage du moteur, enroulage du génois, sortie des défense et installation des amarres. Mon équipage néophyte me regarde m’exécuter et commente qu’il semble toujours y avoir à faire sur un voilier. Il y a déjà 4 autres voiliers au quai mis à la disposition des plaisanciers par le club nautique de Baie-Comeau. Encore une fois, quelqu’un aura la gentillesse de récupérer nos amarres pour faciliter notre accostage. Nous y retrouvons les voiliers Vire-Vent, rencontré à d’autres escales cet été, Mascaret I de Rimouski appartenant à Sylvain Trudel, sa conjointe et leurs 3 enfants, Cache-à-l’eau V, le Nordica 30 de M. Jolicoeur ainsi que Nord-Sud, le bateau-école de Normand Corbeil qui était à notre épaule à leur arrivée à l’Étang-du-Nord.


Une fois le voilier bien amarré, nous partons faire une promenade à pied afin d’explorer les alentours. Deux chutes tombent des falaises au fond de la baie, coulent ensuite sur quelques centaines de pieds sur la roche presque plate avant de rejoindre l’eau salée. Des gens y ont aménagé des petits bassins avec des roches trouvées sur place. Aujourd’hui, l’eau est un peu trop froide par cette température pour y faire trempette. Nous nous amusons à faire une course d’escargots de mer sur les rochers. Mais l’impatience de la petit Emmanuelle nous empêchera de connaître le gagnant. Après avoir suffisamment joué au cabri sur les rochers le long des falaises, nous regagnons le quai et le Lady Marianne où nos hamburgers attendent d’être cuits sur le BBQ. Dure, dure, la vie de marin…

Après souper, après avoir vu 3 maquereaux ferrés au premier lancer du plus jeune mousse de Mascaret I, Léon succombe et m’implore de lui prêter ma canne à pêche. Je m’exécute car je ne peux le laisser dans cet état, il me fait réellement pitié avec ses yeux de chien battu. Un Larocque sans canne à pêche, c’est comme un pirate sans son cache-œil. C’est possible mais il semble qu’il manque quelque chose. Le banc de maquereaux étant épuisé, nous rapporterons quand même 6 ou 7 gros éperlans à la maison. On ne peut trouver plus belle conclusion à cette excursion pour mon cousin encore tout excité mais ravi.

Nous quittons l’anse vers 21 :00 heure et mettons le cap sur le club nautique. Cette navigation au moteur, agissant tel un puissant sédatif sur Emmanuelle, elle ne saura résister. « Non, je ne dors pas » en refermant ses jolis petits yeux bleus.

Robert

samedi 7 août 2010

Le jeu du chat et de la souris

6 août 2010

Après moins de 24 heures d’escale à Sept-Îles, nous décidons de larguer les amarres pour rejoindre Baie-Comeau avant que la météo ne se détériore. On prévoit des vents du sud et du sud-ouest entre 20 et 30 nœuds pour les 3 ou 4 prochains jours. Nous disposons d’une fenêtre météo d’environ 18 heures, un peu serrée mais suffisante, pour effectuer le trajet avant que ces vents contraires ne s’établissent. Avec les prévisions météorologiques mises à jour juste avant notre départ, on prévoit que la distance d’une centaine de milles nous séparant de notre prochaine destination se fera au moteur dans un brouillard parfois épais contre des vents d’environ 10 nœuds au départ et faiblissant au courant de la nuit.

Nous avons décidé de quitter Sept-Îles parce que nous n’avons pas vraiment le goût d’être prisonniers ici pour une aussi longue période. Primo, la marina est relativement dispendieuse. Secundo, on n’y ressent aucune chaleur, ce qui contraste avec la vaste majorité des autres marinas visitées au cours du voyage. Tertio, il n’y règne aucune activité, la vie sociale semble éteinte, on n’y voit que très peu de gens sur les pontons. Pourtant rien à redire quant au service, le tout est correct et courtois, mais sans plus. Les installations sont aussi adéquates. Finalement, Baie-Comeau me semble une meilleure escale pour y séjourner quelques jours puisque je pourrai y retrouver plusieurs cousins et cousines vivant tout près. Il me sera aussi plus facile à partir de là de naviguer en solitaire, les distances entre les différentes escales étant plus rapprochées. Vous l’aurez deviné, ce sera la dernière escale de ma partenaire.

Nous quittons donc à 12 :30 heure avec l’intention de rallier Baie-Comeau avant 6 :00 heure le lendemain matin, heure à laquelle les vents devraient commencer à monter sérieusement. Nous nous faufilons entre les îles protégeant la baie de Sept-Îles par le chenal de l’ouest. Comme prévu, on ne peut que deviner la présence des îles Manowin et du Corossol à cause d’un brouillard humide et épais. Cela ne nous empêche tout de même pas d’observer un couple de marsouins et un petit rorqual passant à quelques dizaines de mètres derrière le voilier. Une fois ce chenal laissé derrière nous, une houle résiduelle de l’est nous soulève régulièrement et un vent de moins de 5 nœuds aussi de l’est nous accompagne. Ce n’est certes pas suffisant pour hisser les voiles et nous continuons donc à moteur.

En milieu d’après-midi, météo Canada émet un bulletin spécial sur la radio VHF avertissant les marins qu’une ligne d’orages approche notre secteur et une veille de grains est émise pour toute la zone comprise entre Tadoussac et Pointe-de-Monts. Pas très réjouissant comme nouvelle. Nous qui rêvions d’une petite croisière tranquille… Pas le choix, on ne peut plus reculer.

Et c’est à 20 :40 heure, 20 minutes avant la levée de la veille de grains, que la ligne orageuse nous rejoint. Cela se présente d’abord comme une tache sur notre écran radar, située à environ 2 milles directement devant nous et se déplaçant à bonne vitesse en notre direction. Chantal, qui est de veille dans cet enveloppant brouillard, croit d’abord à un cargo et m’appelle. En apercevant la grande vitesse de déplacement et la forme changeante de l’écho radar, j’en déduis rapidement qu’il doit s’agir d’une zone de pluie intense et je modifie le cap de 45 degrés afin d’éviter la partie la plus dense de ce nuage. La stratégie paie et nous ne récoltons que quelques gouttes en frôlant la bordure extérieure du nuage. Au même moment, nous entendons notre premier coup de tonnerre. Lorsque j’agrandis l’échelle de mon lecteur de cartes auquel je superpose mon image radar, j’y aperçois nombres d’échos reflétant autant de cellules orageuses. La difficulté à les éviter réside dans le fait qu’elles ne se déplacent pas toutes à la même vitesse ni dans la même direction. La vitesse relativement lente d’un voilier, n’aide pas notre cause non plus. Alors, les yeux rivés à mon écran, les deux mains attachées à ma barre à roue, tel dans un jeu vidéo, je sens l’adrénaline monter. La poursuite a commencé. Poursuite dans laquelle, notre voilier est la souris et, les cellules orageuses, autant de chats affamés. Les éclairs se font maintenant plus nombreux et le ciel s’illumine pratiquement à chaque seconde. Je continue à zigzaguer entre les étroites brèches jusqu’à ce que tous ces nuages se retrouvent derrière nous. Cette fois, la souris a gagné. Elle a réussi à passer à travers les mailles du filet.





Mais le spectacle n’est pas terminé pour autant. Cependant, à partir de maintenant, je ne suis que simple spectateur et je suis assis aux premières loges. Pendant près de deux heures, je puis observer ce feu roulant d’activité électrique s’éloignant progressivement dans l’est. Au bout du compte, nous n’aurons reçu que quelques gouttes de pluie. Même pas assez pour dessaler notre pont.





La fatigue me gagne et je ne peux garder les yeux ouverts plus longtemps. À 1 :00 heure du matin, je vais réveiller Chantal pour qu’elle me relève. J’aurais aimé la laisser dormir mais je ne tiens plus debout. Elle viendra me réveiller 2 1/2 plus tard, lorsque nous ne serons plus qu’à quatre milles de l’entrée de la marina. Avez-vous idée du choc que subissent mes yeux à ma sortie sur le pont? Le guide nautique nous mettait en garde de l’approche nocturne difficile de cette marina pour les nouveaux arrivants. Et comment! Encore une fois, mon lecteur de cartes avec GPS intégré est venu à ma rescousse. Nous trouvons facilement le bassin de plaisance et y entrons à 4 :15 heure, choisissons un ponton libre et nous y amarrons. Je ferme mon plan de route avec ces messieurs de la garde-côte canadienne et vivement, dodo mon coco.


Robert


PS Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, nous avons ajouté des photos aux textes intitulés 47 degrés 47’ N, 62 degrés 29’ W et Sur le chemin du retour. Les couchers et levers de soleil en mer sont tout simplement merveilleux.

PSS Je ne sais pas qui présume que nous sommes capables de deviner qui, parmi nos millions de lecteurs, aurait pu commenter un de nos textes en écrivant « Qu'as-tu mangé pour souper???? ;-) Point besoin de signer - tu sais c'est qui! » mais nous aimerions bien qu’il dévoile son identité. À tout le moins, pourrait-on avoir un indice additionnel?

mercredi 4 août 2010

Sur le chemin du retour




4 août 2010

Après près de deux jours complets en mer, la terre. À bâbord, les îles du Corossol et Manowin. À tribord, la Grande Basque, la Petite Basque, la Grosse Boule et la Petite Boule. Il ne manque que les îlets Dequen pour finaliser le compte, mais, trop petits, ces derniers demeurent dissimulés sous leur voile de tulle. Je suis assis en pied de mât, adossé au radeau de survie depuis plus d’une heure, tentant d’apercevoir ces îles à travers la brume persistante. L’autopilote est enclenché puisque Chantal roupille encore dans sa couchette. Le radar et mon lecteur de cartes GPS me les montrent pourtant parfaitement mais impossible de les discerner avant environ 4-5 milles au large. Mon poids se transfère de ma fesse droite à ma gauche et encore à ma droite au rythme du balancement du voilier imposé par la houle.

Ce matin, j’ai pu enlever mon manteau d’hiver doublé et ma tuque noire que j’ai portés la majeure partie de la nuit. J'avais même ajouté des "culottes à grand-manches" sous mon pantalon. J’ai pris la relève de Chantal de minuit à 6 :00 heure. Un épais brouillard nous a enveloppé aux environs de 3 :00 heure laissant les filières, les écoutes, la bôme et tout ce qui est à l’extérieur dégoulinant. Au moment de traverser le rail des bateaux transocéaniques, ce brouillard s’était quelque peu dissipé pour laisser place à une brume plus légère permettant au moins une visibilité de quelques milles. Puis, graduellement, un doux soleil, un peu timide il est vrai, laissa filtrer ses rayons jusqu’à nous. Quel délice après tant d’humidité. Le pont a séché tranquillement et j’ai dû mettre mon chapeau Tilley pour protéger le peu de cervelle qui me reste. Nous avons parti le brûleur au propane et j’ai avalé 3 toasts au beurre de peanuts cuites sur un rond de poêle à bois. Ces délicieuses tranches provenaient d’un pain que Chantal a fait cuire il y a deux jours. Difficile de demander mieux. Même au restaurant on ne peut nous servir un tel festin.

Depuis de longues minutes, je suis en contemplation devant cette masse infinie d’eau mouvante parsemée d’innombrables taches blanches. L’écume bouillonnante à l’étrave m’hypnotise. Je me sens profondément bouleversé. Aujourd’hui, je comprends et je ressens pour la toute première fois, ce que tant de marins ont tenté de partager par leurs écrits ou histoires. La mer est belle. Il faut la sentir au plus profond de ses tripes pour l’apprécier réellement. Soudainement, je comprends aussi l’ambiguïté d’un côté de vouloir atteindre une destination fixée au préalable dans un plan de route, mais de l’autre, tout aussi puissant, le désir de continuer, de ne pas rompre le charme, cette communion presque charnelle avec la mer. Mon corps s’est adapté au roulis et aux divers sons émanant des entrailles de ma coque de noix. Pour la première fois hier soir, j’ai bien dormi entre mes quarts. En ce moment, je réalise que plus jamais, je ne serai le même.


Après 24 heures en mer hier, à une dizaine de milles avant d'arriver à Rivière-au-Rernard, notre escale prévue, nous avons décidé de continuer la route afin de profiter d’une belle fenêtre météo avec vents portants. Nous allongions notre route d’au moins la même distance que celle que nous venions de parcourir. Après une modification de notre plan de route avec la garde-côtière canadienne, nous mettons le cap sur la Cöte-Nord. Mettre le cap est ici une figure de style puisque nous ne le modifions en rien, je devrais plutôt dire que nous maintenons le cap au 320 degrés. Ceci nous amènera à notre nouvelle destination.

Immédiatement après cette annonce aux autorités, le vent tombe et refuse. Contre toute attente, il vire à l’ouest à 10 nœuds. Je rappelle les garde-côtes pour confirmer mon interprétation des bulletins météorologiques précédemment diffusés sur les ondes de ma radio VHF. Ils me confirment que les conditions actuelles ne sont pas prévues et qu’ils rencontrent le même phénomène à terre, à environ 4-5 milles d’où notre voilier se trouve. Je conclue qu’il s’agit probablement de perturbations locales dues aux légères averses aperçues plus loin à l’ouest de notre position.

Je fais donc fi de ces conditions incontrôlables, je rentre les voiles et démarre le moteur. Il tournera pour les 12 prochaines heures. Je m’installe au BBQ et j’y fait cuire notre souper. Au menu ce soir : poulet épicé, couscous, oignons et haricots frits. (Il me semble entendre Judith soupirer d'envie... L'avez-vous entendue aussi?)

C’est à ce moment que nous avons assisté, Chantal et moi, à une représentation tout à fait unique de 6 ou 7 dauphins à flancs blancs. J'ai d'abord cru à des marsouins lorsque je les ai aperçu au loin faisant leurs cabrioles. Ils se déplaçaient rapidement. Avec les jumelles, je pouvais observer les bouillons qu’ils provoquaient à la surface de l’eau. Par trois fois, l’un et l’autre de ces clowns ont bondi complètement hors de l’eau dans des hyperboles parfaites. Puis, sans avertissements, ils ont bifurqué vers le voilier et se sont rapprochés à tel point que les jumelles devenaient superflues. Surexcité, je me suis dirigé à l’étrave pour les observer jouer sur notre vague mais ils sont restés derrière, à une vingtaine de pieds, comme pour nous saluer. Ils ont ensuite regagné le large et nous les avons perdus de vue. Spectacle gratuit et émouvant.

En ce moment, la terre devant moi se dévoile lentement, le tableau monochrome se fait désirer. Un timide soleil à peine discernable à travers les épais nuages gris ne rendent certainement pas justice à ce que pourrait être le spectacle du passage entre ces îles en des circonstances plus lumineuses.

J’ai aperçu le phare de l’île du Corossol il y a plusieurs minutes déjà. On entrevoit maintenant les brisants sur ses falaises rocailleuses. Nous nous glissons doucement entre ces îles par le chenal du milieu. Je corrige le cap pour nous mettre vent de travers. Plus que 6 milles. Notre plan de route, corrigé une seconde fois plus tôt ce matin, prévoyait une heure d’arrivée à 13 :00 heure. Nous y arrivons avec 15 minutes d’avance. Cet après-midi, nous nous payons Sept-Îles!!!

Robert

Dernier regard sur les îles...













47 degrés 47’ N, 62 degrés 29’ W


2 août 2010

Placez ce point sur une carte… Allez, allez, ouvrez Google Earth, je vous attends… Entrez les coordonnées… C’est ça, une trentaine de milles de parcourus depuis le port de pêche de l’Étang-du-Nord aux Îles-de-la-Madeleine.

Il est 23 :30 heure, ça fait à peine une demi-heure que mon quart de nuit a débuté. Comme à l’accoutumée en début de traversée, je n’ai pas réussi à vraiment dormir en début de soirée. Je me suis bien couché vers 20:00 heure, au début du quart de Chantal, mais le sommeil s'est fait attendre. Chantal vient d’aller se coucher. Elle ne dormira probablement pas non plus.

Le ciel est clair, la mer est calme, une légère brise du nord-est nous fait avancer par vent de travers. On entend l’eau ruisseler tout le long de la coque et terminer dans un frémissement tout à l’arrière.





Maintenant, levez les yeux directement au dessus de vous. Vous apercevez ces millions de petites lumières dans le ciel? Jamais vous n’aviez imaginé qu’il y en avait autant, hein? L’étoile polaire, Pollux, Véga, Deneb et Altaïr. La Grande Ourse, Cassiopée, le Dragon, la Lyre, elles sont toutes si claires et précises. Même la voie lactée est facilement identifiable ce soir. Mais qu’est-ce que ce point lumineux qui bouge rapidement? Un satellite en orbite autour de la Terre assurément. Oh! Je viens d’apercevoir une étoile filante! Vite, un vœu…

On roule un peu; rien de plus normal avec ce léger vent de travers. On tangue un peu aussi. Vitesse sur le fond de 4.5 nœuds, cap au 320o vrai. Le voilier soulage bien et l’étrave ne tape pas dans la vague comme au départ de notre traversée vers les îles, au près serré en partance de l'Anse-à-Beaufils. Le vent vire à l’est un peu. Attendez je reviens, je dois effectuer un ajustement de voilure. Il a diminué aussi et notre vitesse s’en ressent; plus que 3 nœuds.

Ce soir, je ne vous entretiendrai pas de mes goûts musicaux ni de mes goûts gastronomiques. Quoique je viens de finir le sac de Ruffles au BBQ et de m’envoyer un p’tit Pepsi diète bien froid derrière la cravate. Ça fait assez santé n’est-ce-pas? Quoi, c’était quand même un Pepsi « diète »… Mais je ne considère pas ce régime comme de la gastronomie. C’est la caféine dont j’ai besoin pour mon quart et comme je ne bois pas de café…

Nos feux de navigation sont allumés; vert à tribord, rouge à bâbord et blanc à la poupe. Pas de lune cette nuit. Elle se lèvera probablement plus tard dans la nuit ou au petit matin car si je me rappelle bien, elle était pleine au début de notre séjour aux îles. Pas d’autres lumières non plus sur l’eau. Nous sommes seuls, seuls au milieu du golfe. Quelque part entre la Gaspésie, Anticosti et les Newfies.





Bon, alors même si c’est pas mal contre mes principes, je viens de démarrer le moteur. Il faut dire qu’Éole ne m’a pas trop laissé le choix. Avec des vents faiblissant à 2 ou 3 nœuds et faisant le tour de la rose… Et si je veux un tant soit peu respecter mon plan de route déposé en fin d’après-midi avec les garde-côtes de Rivière-au-Renard. ETA 19 :00 heure le 3 août que je leur ai dit. L’optimiste! Enfin, disons que cela va réchauffer l’huile-moteur que je viens tout juste de changer avant de partir. Dire que les météorologues prévoyaient des vents du sud-ouest entre 10 et 15 nœuds s’établissant au sud demain pour atteindre 20 nœuds. Il est 1 :00 du matin et nous n’avons eu qu’un faible nordet depuis le départ il y a de ça 9 heures déjà. Même pas encore 40 milles au loch. Espérons qu’ils ne se sont pas trompés pour les 20 nœuds du sud… Alors, toc-e-toc-e-toc à 2000 rpm pour 5.5 nœuds sur le fond. C’est Chantal qui va être joyeuse, elle qui essaie de dormir…

Nous sommes donc sur le chemin du retour. Ça fout un peu le cafard. C’est comme la fin des vacances. Même s’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, ça sent déjà la fin. Chantal désire revenir à la maison plus rapidement que prévu. Selon ses dires, le plus tôt serait le mieux. Elle s’ennuie, elle n’arrive pas à s’adapter. Il ne faut pas s’obstiner, on rebrousse chemin. Il se peut qu’elle débarque sur le chemin du retour pour revenir à la maison en autobus. Malgré tout, je tiens à souligner que je ne suis pas peu fier de mon amirale : une traversée aller-retour aux Îles-de la-Madeleine, partis de Montréal, ce n’est pas rien. Pour une première expérience, c’est vraiment une belle réussite.

Si Chantal prend l’autobus au retour, je devrai donc ramener le bateau à Montréal en solitaire. Si jamais l’un d’entre vous a du temps et l’aventure l’intéresse, contactez-moi, on tentera bien d’organiser quelque chose. L’itinéraire exact et les dates sont encore à être déterminés. Mais, comme dit si bien une très bonne amie à moi : I’m so flexible, it’s unbelievable!

Robert


lundi 2 août 2010

Journée patate!

29 juillet 2010

Après avoir passés une première nuit très mouvementée au mouillage dans des vents de 25 à 30 nœuds, à surveiller que l’ancrage tienne bien pour le capitaine; et à essayer de dormir avec les bruits du vent additionnés à ceux de l’éolienne qui chantait à tue-tête, et la crainte de chasser pour moi; nous nous sommes réveillés vers 10 :00! Wow! Je n’en reviens pas encore… Quand on a risqué le nez dehors en ce jeudi matin, c’était pour voir les nuages, la pluie et encore le vent. C’était donc parfait pour une « journée patate », inspirée de nos amis Éric et Dominique, ou encore comme dirait Geneviève : une journée pyjama! Donc pour ma part, je reste en pyjama, je repousse toutes les obligations et je « fouère » ou je fais ce qui me tente : lecture, yoga et méditation (dehors au soleil, qui a fini par se montrer le bout du nez : bonheur total!!!), petite popote… Robert y va de petites bricoles et étude du nouvel appareil-photo.


Avec la brunante, il sortira sa ligne à pêche et s’amusera à taquiner le maquereau. Dès le premier lancer il nous ramène un poisson qui réussira à sortir de la chaudière et se lancer à l’eau après quelques minutes sans la vigilance du pêcheur… La cannette de Pepsi se retrouvera à l’eau aussi! Finalement, ce sera seulement 3 poissons qui se retrouveront en filet sur 6 qui auront été ferrés : 3 auront réussi à déjouer le capitaine! Ça fera quand même un bon souper pour demain! J’ai bien hâte de goûter ça!

Pour finir cette belle journée relax, le soleil décide de se montrer en spectacle avant d’aller se coucher. C’est donc une grosse boule rouge qui sortira de sous les nuages pour descendre derrière l’horizon… Ensuite pour bien finir notre journée, un p’tit film et dodo!

Chantal

Jusqu’au havre de Grande-Entrée « juste s’une gosse »!



29 juillet 2010

Au départ du port de Cap-aux-Meules aux environs de 13 :00 heure, après avoir finalement réussi à nous éloigner de notre bateau de pêcheur qui nous étreignait avec un peu trop de vigueur à notre goût, nous avons été cueilli par un vent de travers d’un peu plus de quinze nœuds jusqu’au cap Alright sur l’île de Havre-aux-Maisons. Les voiles sont fortement arisées puisqu’on annonce des vents jusqu’à 30 nœuds pour l’après-midi. Malgré tout, nous maintenons une moyenne d’au-delà de 6 nœuds pour cette portion du parcours. Toutefois, la houle assez importante rend notre avance un peu inconfortable et c’est Chantal qui écope de légères nausées. Mais, une fois avoir abattu d’une soixantaine de degrés, la route devient rapidement plus confortable.


Tel que prévu, les vents forcissent et la houle augmente sensiblement. La mer commence à déferler, pas méchamment, mais on perçoit toute sa puissance contenue. De temps en temps, le voilier « surfe » sur une vague un peu plus importante que les autres. À d’autres moments, c’est une vague croisée qui nous fait rouler bord sur bord. Rien pour améliorer l’état de santé de l’amirale! On enregistre quand même des vitesses sur le fond dépassant les 7.5 nœuds ce qui diminuera la durée de traversée d’autant.

On rentre les voiles et on démarre le moteur. On est arrivé. C’est donc après un peu moins de 3 heures que nous nous engageons dans le chenal d’entrée menant à la seule saline des îles. La mer est magnifique avec ses moutons à perte de vue. Cependant, avec les fonds qui remontent, ces vagues déferlent de plus en plus et forment d’importants rouleaux. Le pilote automatique peine pour nous maintenir sur le bon cap dans ce chenal relativement étroit. Je dois donc prendre la barre si nous ne voulons pas nous échouer si près de notre but. Une fois ce délicat passage effectué, la mer s’apaise et nous entrons dans l’immense lagune de Grande-Entrée.






Ce soir, nous irons nous abriter derrière l’îlot du chenal d’entrée, l’îlot C sur les cartes nautiques, à mi-chemin entre ce dernier et l’église de Grande-Entrée. Nous devons faire un grand détour pour contourner le haut-fond au nord-est de l’îlot et ainsi nous maintenir entre quinze et vingt pieds d’eau. Les vents sont maintenant de 25 nœuds et on prévoit qu’ils forciront encore. Pas de chances à prendre, après une vaine tentative de mouiller la Bruce seule, nous décidons d’affourcher cette dernière avec la Delta. Nous préparons donc l’annexe et je vais déposer le deuxième mouillage une trentaine de pieds sur la gauche du premier. Tout le câblot y passe mais nous dormirons mieux. Remarquez que je n’ai pas dit nous dormirons bien…


En soirée, le vent forcit encore et nous observons des pointes au-delà de 30 nœuds. Des moutons se forment dans la petite baie où nous nous trouvons. Nous repérons nos amers de nuit qui nous indiqueront si nos ancres dérapent et le voilier chasse (copyright de Normand Corbeil…). Le bateau évite d’un côté, et de l’autre sans répit. Les ancres tiennent bon. Afin de sécuriser davantage l’amirale, j’ai même armé l’alarme GPS de façon à ce qu’elle nous réveille si jamais nous nous éloignons de plus de 0.05 mille de notre position actuelle.

Pour ceux qui aimeraient avoir une petite idée du genre de nuit qu’on peut passer dans de telles circonstances, je vais tenter de vous décrire. Tout d’abord, entendez les pointes de vent siffler dans les haubans, percevez tout le gréement se mettre à vibrer lorsqu’il entre en résonance et ce bruit sourd s’amplifier à l’intérieur du bateau. Ecoutez les « flocs-e-flocs-e-flocs » de l’annexe retenue par sa bosse à quelques mètres derrière notre chambre, tout près de nos petites oreilles. Sentez les supports de l’éolienne se mettre à vibrer lorsqu’elle s’emballe pour atteindre des fréquences à peine audibles. Sentez aussi le bateau gîter sur tribord lorsqu’il évite pour atteindre subitement la fin de sa course et faire couiner, grincer, toquer le câblot d’ancre à l’étrave. Ce même manège reprendre sur bâbord, et ensuite encore tribord, inlassablement, toute la nuit durant. Sentez les vagues vous faire tanguer et rouler docilement mais sans répit aucun. Vous comprendrez ainsi pourquoi nous sommes restés au lit jusqu’à 10 :30 heure ce matin…après m’être levé à de multiples reprises au cours de la nuit pour consulter mon GPS et ainsi m’assurer que tout tenait.

Mais tout n’est pas que misère dans ce joli mouillage que nous visiterons dès que le vent tombera et que la pluie cessera. Imaginez-vous donc, qu’avant d’aller au lit hier soir, nous nous sommes installés au carré devant un bon film. À l’affiche; Top Secret… L’amirale a bien aimé les danseurs de ballet sur l’air de Casse-Noisette…

Robert

mardi 27 juillet 2010

Cap-aux-Meules



27 juillet 2010

Nous sommes finalement arrivés à Cap-aux-Meules dimanche après-midi. La forte dépression dont je vous parle depuis quelques jours n'aura pas causé les vents de 30 noeuds prévus. Ils furent assez forts certes, mais ils ne nous ont pas empêchés d'atteindre Cap-aux-Meules à la voile. Et, à l'abri de la houle, ce fût somme toute une navigation assez facile même si on avançait au près serré.


Nous avons profité de notre dernière journée avec Judith hier pour refaire la cambuse du bord et nous rendre à La Factrie, restaurant et usine de transformation de poissons, mollusques et crustacés. Nous y avons acheté des filets de turbot frais pour notre dernier souper ensemble. Un souper d'amitié dont nous nous souviendrons pour le reste de nos jours.


Après une autre petite marche dans la cour des bateaux oubliés, nous revenons à notre voilier amarré à couple d'un bateau de pêche, le Manon Yvon. Il faut vous dire que, n'ayant pu trouver de place à la marina, le maître de port nous a assigné cette place dans le bassin des navires commerciaux nous assurant que ces crabiers ne sortiraient pas pour un bon bout de temps. Probablement pas avant le 4 août, seule journée annuelle pour la pêche au flétan autour des îles.

Une fois arrivés, nous y retrouvons un petit groupe de pêcheurs brûlant cigarettes sur cigarettes, buvant leur café Tim Hortons et bouëttant leurs nombreux hameçons avec des vers ou du maquereau salé. Normand Vigneault, un résidant de l'Étang-du-Nord, m'explique comment procéder pour attirer maquereaux et éperlans. J'ai conversé avec les membres de ce sympatique groupe pendant près de deux heures et je les ai vus sortir plus de tanches que quoi que ce soit d'autres. Je crois qu'on n'apprécie pas vraiment les tanches par ici! Elles ont toutes terminé leur vie dans l'estomac des nombreux goélands attirés sur place après avoir été assommées sur les coques d'acier!


Demain, je m'achète des vers et je bouëtte ma parche pour pêcher le maquereau et l'éperlan. Je ne me coucherai pas de bonne heure car Judith et moi les avons entendus jaser jusqu'à tard dans la nuit. Mais qu'importe, nous aurons du poisson frais gratuit.

Dès que la météo est propice, Chantal et moi irons probablement mouiller une couple de jours dans la baie de Grande-Entrée. Oubliez l'accès Internet pendant ce temps car nous serons parmi les oiseaux et la nature sauvage. Nous referons ensuite escale à Cap-aux-Meules pour récupérer des filtres à l'huile pour le moteur du voilier. par la suite, ce sera probablement le début du long retour vers la maison. L'Île-du-Cap-Breton et son lac attendrons une autre saison. Nous préférons apprécier pleinement ces îles de vent et de soleil.

À bientôt,

Robert


À l'abri à Havre-Aubert

25 juillet 2010

Ce matin, il vente à « écorner les beuh ». Au sortir du port de l’Île-d’Entrée, les vagues se fracassent sur l’enrochement bouillonnant d’écume. Une grande houle de travers nous cueille dans le chenal mais elle ne durera qu’une quinzaine de minutes, le temps que nous retrouvions l’abri de Sandy Hook, cette longue dune qui protége le grand bassin de plaisance.

Nous hissons les voiles réduites par un vent de 20-25 nœuds et parcourons les douze milles requis pour atteindre Havre-Aubert en peu de temps. Pas un seul voilier en vue, tous des poltrons! Nous atteignons notre destination en tirant deux bords. On démarre le moteur, on rentre la toile et on embouque le long chenal menant à la zone de mouillage. Nous devrons mouiller l’ancre aujourd’hui car aucune place n’est disponible à cette marina. Nous devrons nous reprendre par trois fois avant que finalement l’ancre croche bien. Il aura fallu prendre la Bruce pour réussir, la Delta dérapant allégrement dès que la touée du moteur en marche arrière atteignait environ 1500 tours. Aucune chance à prendre avec les vents actuels et ceux, plus violents, annoncés pour la nuit et demain.

Une fois le voilier paré, le pont lavé et le dîner avalé, nous préparons l’annexe qui est renversé sur le pont arrière et maintenue ainsi par des cordages depuis l’Anse-à-Beaufils. Elle nous permettra d’aller fouiner sur la grave malgré le léger crachin désagréable qui tombe depuis peu de temps. Judith et Chantal auront enfin leur pot-en-pot et moi, mon « fish&chips ». Nous en profiterons aussi pour nous brancher à Internet, question de prendre nos couriels et afficher un nouveau message sur le blog.

Demain, direction Cap-aux-Meules…

Robert

Oh la la la la! Ça va brasser!!!

24 juillet 2010

Une dépression approche rapidement et va apporter son lot de mauvais temps. Le centre dépressionnaire passera plus au nord de notre position mais le front froid affectera fortement notre région au cours des prochains jours. Des vents de 20 nœuds du sud laisseront subitement place à des vents de 30 nœuds du secteur ouest au passage du front froid. Progression tout à fait typique d’une forte dépression bien organisée. Ça va brasser dans le golfe mes amis!!! Et laissez-moi vous dire que je ne voudrais pas être là!!!


Pour l’instant, pas un cerf-volant ne vole. Les vagues sont absentes et les cirrus, signe avant-coureur du front chaud à venir, s’étirent langoureusement. Le calme avant la tempête qu’ils disent.






Nous sommes donc venus nous abriter à l’Île-d’Entrée pour la nuit, pendant que les vents du secteur sud devraient s’amplifier graduellement jusqu’à 20 nœuds avant demain matin. Nous en profitons pour visiter l’Île-d’Entrée aujourd’hui avant d’aller se réfugier à Havre-Aubert demain et, direction Cap-aux-Meules lundi jusqu’à ce que Judith nous quitte mardi matin. Chantal et moi irons probablement mouiller au havre de Grande-Entrée pour quelques jours ensuite. Les vents de 25-30 nœuds devraient être au rendez-vous mais, protégés derrière les îles et leurs dunes de sable blanc ne permettant pas aux vagues de se former, la mer devrait être relativement calme. Ça c’est la théorie, nous verrons l’état de la mer lorsque nous serons prêts à appareiller mardi ou mercredi. C’est ça vivre au rythme de la nature…

Pour revenir à l’Île-d’Entrée, Chantal et moi l’avons visité il y a 22 ans lorsque Geneviève, ma plus vieille, n’avait que quelques mois dans le ventre de sa mère. Quant à Judith, en cinq voyages aux îles, elle n’y a jamais mis les pieds. Il faut dire, qu’accessible par traversier piétonnier seulement, cette minuscule communauté anglophone de 85 âmes, ne se laisse pas découvrir aisément.


Un premier choc en contournant l’enrochement c’est la quantité de bateaux de tous genres amarrés à l’épaule; voiliers, cruisers et bateaux de pêche en plus d’une dizaine de zodiacs tirés sur la plage de galets. L’espace pour manœuvrer n’en est que plus restreint. Le seul quai pouvant accueillir les visiteurs est plein à craquer de « touristes » francophones buvant leur bière et jacassant fort. Deuxième choc, le nombre de marcheurs partout sur l’île. Il y a plus de touristes en ce beau samedi après-midi qu’il y a de résidents sur l’île!!! Et ce n’est pas une blague. Troisième choc, le nombre d’automobiles. Je me souviens qu’il y a 22 ans, un seul « pickup » noir, sans plaque d’immatriculation et dont le pare-chocs arrière était retenu avec de la broche, roulait à travers les rues à peine carrossables de l’île en plus d’une multitude de véhicules tout-terrain à trois roues conduits à vive allure par des adolescents et même des enfants. Aujourd’hui, il y a toujours les immanquables « pickup » mais aussi plusieurs voitures en excellent état. Tous ces véhicules sont maintenant immatriculés, soit du Québec, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard ou de la Nouvelle-Écosse.


Nous attendons donc que la cohue s’estompe et que les touristes retournent à Cap-aux-Meules ou Havre-Aubert. Vers 18 :30 heure, après un souper rapide, nous quittons le port, maintenant pratiquement désert, à pied pour aller gravir la plus haute colline de l’île, adéquatement nommée Big Hill, haute de 174 mètres. Le sentier pour y accéder n’est pas bien balisé et c’est après quelques ballades à travers champs, où Judith et Chantal ont évidemment fait quelques arrêts pour cueillir des fraises et ainsi ralentir notre progression d’autant, et un passage à travers une clôture électrifiée ornée de barbelés, que nous atteignons enfin la base. L’ascension débute avec une pente relativement douce mais s’accentuant rapidement pour atteindre près de 45 degrés jusqu’au sommet. C’est au beau milieu de ce dénivelé que Judith, à la recherche de son deuxième ou troisième souffle, l’a rebaptisé « Damn Big Hill ». Mais quelle magnifique vue s’offre à nous une fois le sommet atteint ; d’un côté le chapelet complet des îles reliées entre elles par leur dunes de sable, de l’autre, distante d’une cinquantaine de milles, la partie nord-ouest de l’île du Cap-Breton. Après s’en être mis plein la vue, nous amorçons notre descente avec les rayons orangés du soleil couchant. Nous suivrons le sentier menant vers le dispensaire et éviteront ainsi les fils barbelés menaçants. Quoiqu’un petit pont enjambant cette même clôture ne nous rassure guère. Il y est écrit : Traversez à vos propres risques. Il a donc fallu que je démontre sa totale solidité avant que ces dames trouvent assez de courage pour s’y aventurer. À peine plus loin, la lune nous gratifie de son lever spectaculaire, couronnant ainsi une journée inoubliable.

Nous sommes de retour au bateau depuis quelques minutes à peine que l’éolienne décolle à vive allure pour la première fois de la journée. Le voilier commence à tirer sur ses amarres, les planches de quai font entendre leurs premiers gémissements. Il en sera ainsi pour le reste de la nuit. Telle qu’annoncée, voici donc la grande sarabande météo qui débute…

Robert