À la voile...

À la voile...
Sur notre CS-22 au réservoir Taureau

lundi 16 août 2010

La journée des retours

14 août 2010

Me voici maintenant réellement de retour de voyage. Je le sens, je le ressens. Les odeurs changent. Fini l’air frais et salin embaumant le goémon. Ça se voit. Les mammifères marins ont tous disparus, eux qui nous ont accompagnés tout au long de ce voyage. La couleur de l’eau change. La texture même de l’eau change graduellement. Ça s’entend aussi. Les sons ne sont plus les mêmes. Plus de cris discordants de goélands représentant si éloquemment la mer. Allez messieurs, suivez-moi en amont. Vous ne manquerez de rien, je vous le promets. Il y aura pleins de McDo pour vous...

Le Lady Marianne fait son retour en eau douce. Partis de Cap-à-l’Aigle à midi tapant, environ une heure avant la mer basse, nous devrons lutter contre le courant du jusant jusqu’au Cap-aux-Oies avant que le flot nous ramasse et nous entraîne finalement vers l’amont. Afin de minimiser notre lutte contre le jusant atteignant plus de 4 nœuds, je longe la côte à quelques centaines de mètres dans un peu plus de 50 mètres d’eau. Charlevoix de si près est spectaculaire.

Environ une heure après l’appareillage, le vent aussi est de retour. Éole a finalement terminé sa longue sieste. Et il est en grande forme. Bien reposé, il teste ses poumons. D’abord, 10 petits nœuds du sud-ouest. Dans le nez, bien entendu. 15 nœuds, toujours de la même direction. On appuie sur le diaphragme et on pousse un peu plus fort : 16, 18, 20, 22 nœuds bien soutenus, jusqu’au-delà de 25 dans les rafales. Je me demande de quoi la mer aura l’air près de Petite-Rivière St-François. Un bon vent du suroît contre un courant de flot pouvant atteindre 5 à 6 nœuds, il y a de quoi faire exploser la marmite. Par chance que ce vent ne fait que débuter…

Avec le vent, on assiste évidemment au retour des vagues. Elles qui étaient disparues de notre paysage marin depuis plusieurs jours déjà. Rien de bien méchant cependant malgré tout. Des moutons se forment bientôt et l’étrave cogne de temps en temps dans la vague courte et hachée mais rien pour écrire à sa mère. Les plus grosses demeurent encore celles générées par le passage des cargos au large.

Et que vois-je au loin vers l’ouest. Disparition du ciel bleu foncé, il se teinte légèrement mais inexorablement d’un léger voile. Tout au cours de la journée, ce dernier s’épaissira et fera place à un ciel totalement couvert peu après le coucher du soleil. Retour des nuages qui avaient déserté leur terrain de jeu depuis plusieurs jours. Ça sent la pluie. Pas immédiatement, mais demain assurément. L’approche d’une dépression après plusieurs jours sous l’influence d’un anticyclone, un classique bien connu.

Avec l’approche de cette dépression, je sens l’influence des vents chauds. C’est le grand retour de la chaleur. Malgré la force relative du vent, c’est aussi le retour du port des shorts et du T-shirt en navigation pour toute la durée de la journée. Même en soirée, je garderai mes shorts. Je n’aurai qu’à passer un chandail à manches longues pour être tout à fait confortable. Y pensez-vous? Ça fait plus d’un mois que je navigue avec bas, combinaisons, pantalons longs, chandails, polar et quelquefois même, avec tuque et gants. Le contraste est hallucinant.

Une fois arrivés à l’Isle-aux-Coudres, nous prenons la décision de prendre la Traverse du Milieu afin de contourner le clapot de la Petite-Rivière St-François. Nous passerons donc au sud de l’île. Cela me laisse aussi l’alternative non négligeable de pouvoir rentrer à St-Jean-Port-Joli si la mer se gâte. Le courant de flot forcit. C’est le retour des vitesses sur le fond au-delà des 9 noeuds. Une fois la grande batture de l’Isle-aux-Coudres dépassée, je me dirige à nouveau vers le Chenal du Nord afin de profiter du courant au maximum. La mer ne s’est pas détériorée, je fonce donc littéralement sur l’Île d’Orléans à plus de 9 nœuds.

Une fois l’étroit Chenal du Nord atteint, c’est le retour d’un sport que je n’ai pas pratiqué depuis belle lurette; le slalom entre les bouées vertes et rouges. Un slalom au ralenti certes, mais dans ces environs, si vous manquez une porte, c’est l’échouage assuré. Pour ajouter un peu de piquant, comme c’est le chenal qu’emprunte toute la navigation commerciale sur le fleuve, la veille doit être constante, sur le devant comme sur l’arrière.

Déjà, depuis quelques heures, c’est aussi le retour de la navigation avec visibilité complète des deux rives du fleuve. La rive nord avec les majestueux paysages sauvages de Charlevoix, les caps recouverts de forêts vierges plongeant leurs pieds dans l’eau noire et froide. Et la rive sud, légèrement ondulée, occupée principalement par les champs de culture et pâturages que la présence humaine y a façonnés.

Je dois recommencer à tenir compte de la table des marées et l’atlas des courants. Ignorez ces deux ouvrages et il est plus que probable que vous devrez regagner Montréal en autobus plutôt qu’en voilier!!!

Sur la route du retour, les marinas se font plus chères. Moins rustiques, mieux aménagées et décorées mais offrant les mêmes services pour peu que vous vous contentiez de la base. Elles sont souvent surpeuplées avec un espace restreint pour manœuvrer. De quoi me faciliter la vie en solitaire. J’espère que l’expérience pourra compenser…

Avec le coucher du soleil derrière le Cap Tourmente, c’est le retour à la navigation de nuit. Qui ne va pas sans peine ou plutôt sans peur, croyez-moi… Dans le chenal des Grands Voiliers, entre l’île d’Orléans et la rive sud, j’y ai fait la rencontre d’un titan d’acier aperçu à la dernière seconde… J’étais bien éveillé à assurer la vigie tout en m’assurant d’être bien alignés sur les deux feux blancs au bout de le pointe très loin devant nous. Ça fait environ une demi-heure que je les vois. Tout à coup, il me semble qu’il monte vers le haut et une énorme masse sombre surgit sur le fond du ciel éclairé par la ville de Québec au loin. Sans perdre une seconde, j’appuie sur le bouton STANDBY du pilote automatique, je l’engage au neutre et je donne un coup de barre sur tribord. Il n’y avait pas de risque immédiat d’abordage mais la vague du monstre m’aurait certainement malmené. Dorénavant, je resterai sagement en dehors du chenal commercial lorsque ce sera possible. La lutte est trop inégale dans ma coquille de fibre de verre.

Avec le retour de la chaleur, je dois me déshabiller complètement pour dormir. Fini le long pour me coucher. Ne vous excitez pas mesdames, j’ai déjà une promise…

Dernièrement, je voulais vous dire que j’ai finalement semé l’espion! Je l’ai vu pour la dernière fois aux environs de Cap-aux-Oies, quelque peu en aval de l’Isle-aux-Coudres. Il a hésité longuement avant de finalement refuser de pénétrer en eau douce. Je me demande bien comment il fera parvenir son rapport. Tu les prends où tes vacances Jacques???

Robert

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